
TRANSMISSIONS
Recueil de nouvelles
Lu par Daniel HANSSENS
C’est à Napoléon qu’il doit sa vocation. Daniel a sept ans quand il reste bouche bée devant les expressions exacerbées des acteurs du film d’Abel Gance.
Quelques années plus tard, ce Schaerbeekois obtient le Premier Prix d’Art Dramatique du Conservatoire Royal de Bruxelles et décroche son premier rôle dans « Le Dîner de Mademoiselle Justine » de la Comtesse de Ségur au Rideau de Bruxelles.
Il a aujourd’hui, après 40 ans de carrière, plus de cent cinquante pièces et plusieurs films à son actif. Il a joué notamment dans « Britannicus » de Jean Racine, « Le Dîner de Cons » de Francis Veber, « Le Malade Imaginaire » de Molière, « Hygiène de l’Assassin » d’Amélie Nothomb, « Devinez qui ? » d’après le célèbre roman policier « Dix Petits Nègres » d’Agatha Christie, « Drôle de Couple » de Neil Simon, « Un Amour qui ne finit pas » d’André Roussin, « L’Emmerdeur » de Francis Veber, « Amitiés sincères » de Stephan Archinard et François Prévôt-Leygonie, « Le Noir te va si bien » de Jean Marsan d’après Saül O’Hara, « Hier est un autre Jour » de Sylvain Meyniac et Jean-François Cros ou encore « L’Envers du Décor » de Florian Zeller, « Bossemans et Coppenolle » de Paul Van Stalle et Joris d’Hanswyck au Théâtre Royal des Galeries, sans oublier bien sûr « Ramsès II » aux côtés de Marie-Hélène Remacle, Inès Dubuisson et Clément Manuel (premier semestre 2023)
À côté de son rôle de comédien, il est également metteur en scène : « Ladies Night » de Sinclair et Mc Laren, « Pièce montée » de Pierre Palmade, « Un grand Cri d’Amour » de Josiane Balasko, les comédies musicales « La Mélodie du Bonheur » , « Evita » ou encore « Blood Brothers » mises en scène avec Jack Cooper dans le cadre du Festival Bruxellons! dont il est co-directeur.
En réalité, il porte très souvent la double casquette pour sa compagnie ou ailleurs ; dans tous les genres, dans tous les styles et dans de nombreux théâtres. Il a aussi été un Monsieur Loyal au Cirque de Moscou.
Récemment, vous avez pu le voir sur le petit écran dans le rôle de Frère Joseph dans les trois saisons de la série belge à succès « Ennemi Public ». Également présent sur le grand écran, il est à l’affiche aux côtés de Pierre Niney, Isabelle Adjani ou encore François Cluzet dans le dernier film de Nicolas Bedos « Mascarade ». Enfin, vous aurez aussi l’occasion de le retrouver à la co-mise en scène de la prochaine comédie musicale du Festival Bruxellons! « West Side Story ».
La prédiction d’Azrou (texte)
LA PREDICTION D’AZROU
La chaleur étouffante de cet été m’avait fait prendre la route d’Azrou pour y retrouver ma tante et la fraîcheur de la montagne. Le chalet que son mari avait construit en rentrant de France avait d’abord étonné dans la petite ville puis fait des émules tant il se révélait pratique en hiver pour supporter la neige qui, si elle ne tenait pas de longs mois, tombait en abondance dans ces montagnes. Un chalet et de la fraicheur donc ! Rien de tel pour me dépayser et me faire oublier la moiteur de Rabat. Cela faisait maintenant plus de six mois que je n’avais pas pris de vacances.
Mon oncle était décédé quelques mois après avoir terminé la construction de la maison, fatigué par trente années passées en Europe à faire le maçon par tous les temps. Ma tante y vivait donc seule entourée de sa belle-famille. Il y a longtemps que mes cousins ont quitté le bercail pour faire des études au Canada et en France. Ils s’y sont mariés et vivent maintenant loin de leur mère qu’ils retrouvent chaque été, remplissant la maison d’une vie intense et débordante…pour trois petites semaines.
J’étais donc seul avec ma tante qui profitait de ma présence pour « reprendre » la main avant le grand débarquement estival. Elle me réveillait le matin avec l’odeur de crêpes et de thé à la menthe, m’attendait à midi au retour de mes sorties en montagne avec des tajines plus savoureux les uns que les autres et ne me laissait pas regagner mon lit le soir avant que j’aie goûté ses soupes dans lesquelles elle mettait parfois quelques champignons ramassés au printemps et qu’elle avait fait sécher dans son grenier. J’étais comme un coq en pâte.
Un jour, après une petite sieste, rendue nécessaire par une longue marche matinale suivie d’un repas digne du palais de notre Roi, je me suis retrouvé face à une assemblée composée des belles sœurs de ma tante et de quelques voisines ; elle avait préparé le thé pour faire une petite fête avant mon départ le soir même pour la capitale. Elle était fière de montrer qu’elle avait reçu son neveu devenu professeur à l’université et elle avait eu la délicatesse d’attendre mon départ pour organiser cette fête afin de ne pas me pas m’obliger à passer mon séjour à répondre à des invitations. Nous étions donc installés dans le salon marocain donnant sur une grande baie vitrée ouverte sur un balcon en bois à l’ombre de grands mélèzes. Après les salutations d’usage et les discussions interminables sur l’organisation de l’été, animé dans chaque maison par le retour des enfants et petits-enfants chaque année plus nombreux, il ne fut plus question que de mon retour et des dangers de la route ou plutôt de l’autoroute.
Rabat était relié à Meknès par une autoroute fraichement inaugurée qui rendait le trajet beaucoup plus rapide et sûr. Mais une menace rôdait dont je n’allais pas tarder à connaître tous les détails. L’autoroute était traversée par de nombreux ponts permettant aux paysans de ne plus s’aventurer sur la chaussée pour rejoindre un point d’eau ou rassembler un troupeau. J’avais vu ces ponts à l’aller et avais trouvé que c’était effectivement une bonne chose.
Ce que j’ignorais, c’est que le soir, ces ponts devenaient le terrain de jeu des jeunes délinquants qui lançaient des œufs sur le pare-brise des voyageurs, les obligeant à s’arrêter pour laver la vitre rendue opaque par l’usage inutile des essuie-glaces. Il suffisait alors d’arriver à cinq ou six pour dépouiller la pauvre victime qui, tout occupée à nettoyer sa voiture, ne voyait rien venir. Ma tante elle-même avait des amis dont les cousins avaient été ainsi agressés. Ses voisines aussi avaient toutes des histoires à raconter. L’une d’elles assurait même qu’un conducteur avait été tué au couteau lors d’une de ces agressions !
Bref, si je devais partir, il ne fallait pas attendre et prendre la route avant la nuit. Mais il n’est pas si facile de quitter une telle assemblée ; aux recommandations d’usage s’ajoutaient celles de la prudence imposée par le danger des fameux ponts ; étais-je vraiment obligé de prendre l’autoroute ? N’étais-ce pas mieux de faire « comme avant » et de prendre la nationale ? Ne devrais-je pas attendre le matin pour partir ? Peut-être devrais-je remplir mon réservoir de lave-glace avec une préparation spéciale contenant un peu d’eau de javel ? Bien entendu il n’était pas question de me laisser partir sans quelques pâtisseries au miel des montagnes, trois bouteilles d’huile d’olive et un petit sachet de champignons séchés spécialement réservé à mes parents. Un thermos de thé m’aiderait à rester éveillé et attentif.
Tout cela prit un certain temps et la nuit commençait à tomber quand je pris enfin la route. La première partie jusqu’à Meknes est assez tortueuse et plutôt jolie ; les mélèzes sont remplacés par des arganiers parmi une végétation plus clairsemée avant de laisser la place aux vignes de plus en plus étendues.
Je fus surpris par le nombre de ponts qui enjambent cette autoroute, il semblait y en avoir plus qu’à l’aller ! Sur le premier il y avait un berger qui tentait de faire traverser son troupeau, les deux suivants étaient vides, le troisième était occupé par un âne peu pressé de regagner son étable. La nuit était maintenant arrivée et je dus allumer mes phares. Si je ne vis rien sur les trois ponts suivants, j’aperçus deux ou trois personnes accoudées aux rambardes du quatrième.
L’obscurité m’empêchait maintenant de bien voir et je fus tenté de ralentir saisi par la crainte de me trouver aux prises avec les détrousseurs tant redoutés. Un camion qui arrivait derrière moi se rapprochait dangereusement. Je profitais d’une montée pour prendre un peu le large, heureux de le voir disparaître de mes rétroviseurs. Quelques kilomètres plus loin, il m’avait presque rattrapé, me klaxonnait et essayait manifestement de me doubler. Je tentais de reprendre un peu de distance. Autant que me le permettait ma petite Polo. Mais le camion ne semblait pas disposé à me laisser m’éloigner et me faisait même des appels de phares. Arrivant dans une zone sinueuse et vallonée je finis par le semer. Je pouvais me concentrer à nouveau sur les lanceurs d’œufs.
Devant moi un nouveau pont traversait la route. Il était vide de toute présence humaine et je fus moi-même surpris de voir à quel point cela me soulageait. Le suivant était vide aussi, mais juste après il y avait un attroupement. Quatre ou cinq personnes tournaient autour d’une voiture arrêtée en tapant dessus avec des objets que je ne pouvais pas distinguer. Je n’arrivais pas à voir si le pare-brise de la voiture arrêtée était recouvert de la fameuse « l’omelette ».
Les kilomètres suivant furent une véritable torture. Devais-je continuer ou tenter de sortir pour poursuivre mon chemin sur la nationale ? Je ne m’étais toujours pas résolu quand, au pont suivant je fus certain de voir des gens avec les bras en l’air, prêts à jeter quelque chose sur ma voiture. C’est alors que j’aperçu dans mon rétroviseur les phares blancs du camion. Menaçants. A droite juste avant le pont, un portail de service était miraculeusement ouvert. En un éclair je décidais de sortir en faisant un brutal virage à droite. Le sol couvert de gravier à cet endroit fit déraper ma voiture qui allait beaucoup trop vite pour la manœuvre. Elle partit en tonneau et je me retrouvais les « quatre fers en l’air » sur le toit retenu au siège par ma ceinture qui me comprimait atrocement les côtes. Autour de moi mes bagages avaient volé dans l’habitacle et je sentais même un filet d’huile d’olives me couler dans le cou. J’entendis des pas sans pouvoir distinguer quoi que ce soit. On m’appelait : « Monsieur ?» « Ça va ? » « Vous m’entendez ?» « On va vous sortir de là » Quelques minutes plus tard j’étais allongé sur l’herbe. Indemne. Penché sur moi, le chauffeur du camion me dit « Tenez si vous voulez avertir quelqu’un voici votre téléphone. Vous l’aviez oublié à Azrou. Votre tante me l’a confié pour vous le remettre »
Lu par Clément MANUEL
Clément MANUEL
Originaire de Lyon, Clément Manuel arrive à Bruxelles en 2001 pour entrer au Conservatoire Royal de Bruxelles. Premier Prix du Conservatoire et Prix du Patrimoine en poche, il devient dès lors, un comédien belge ! Il fait ses armes sur les planches de plusieurs théâtres bruxellois en tant que comédien dans des rôles allant du registre classique au contemporain, passant de la comédie au drame mais aussi en produisant et mettant en scène des spectacles comme par exemple « Squash » où il donne la réplique à Charlie Dupont.
En parallèle, il s’essaie avec succès au petit écran et abandonne les planches quelques années. Grâce aux séries « Falco » et « Ainsi Soient-ils », il se fait connaître auprès du grand public. De TF1 à Arte en passant par M6 et Netflix, Clément se plonge avec passion dans des rôles complexes comme dans « Le Tueur du lac », « Renaissances », « Elle m’a sauvée »,
« Braqueurs », « Ennemi Public »…
Mais c’est dans la comédie qu’on le voit le plus au cinéma comme dans « De l’art ou du Machond » avec Benoît Poelvoorde, « Faut pas lui dire », « Losers Révolution » puis aux côtés de Kody qu’il retrouvé dans « Match » avec Pauline Etienne, une série de capsules humoristiques, diffusées sur les chaînes Belges pendant la dernière coupe du monde de football et Thomas Ancora avec qui il fit le « buzz » en Belgique quelques années auparavant avec les vidéos internet : « Ce que disent les Bruxellois », « Ce que disent les gens du cinéma belge »…
En 2022, il co-réalise « Mon fils », son premier court-métrage et travaille actuellement à la co-écriture d’un long-métrage.
« Ramses II » de Sébastien Thiéry et aux côtés de Daniel Hanssens, signe son retour au théâtre après 11 ans d’absence.
En parallèle, depuis une dizaine d’années, il est producteur associé chez Kwassa Films.
Autonome ? (texte)
- – Bonjour Oscar. Où allons-nous aujourd’hui ?
– A la piscine.
– J’ai plusieurs « Piscine » dans notre liste d’adresses. Voulez-vous aller à la piscine de Laeken ? Réponse 1. A la piscine olympique Louis Namèche ? Réponse 2. A « La piscine » à Marseille en France ? Réponse 3.
– Réponse « 3 » !
– Bien Monsieur, installez-vous confortablement je vais vous conduire hors de la ville et ensuite nous irons à destination.
Oscar pris place dans son véhicule autonome, mit son siège dans une position semi-allongé qui lui permettait d’étendre ses longues jambes. Il avait devant lui le grand parebrise de sa nouvelle Tesla qui s’ouvrait sur un ciel gris, crevé çà et là, de quelques puits de lumière. La grisaille régnait en Belgique depuis de longues semaines et Oscar sentait un besoin impérieux de s’exposer aux rayons du soleil méridional. Il fallait d’abord faire quelques kilomètres pour rejoindre une aire de recharge/hub multimodal. Tesla avait conçu ces espaces pour ses meilleurs clients, ceux qui avaient fait le choix de la modernité, en acquérant le dernier modèle de la marque. Basé sur le projet Pop UP, élaboré par Airbus et Audi dans les années 2015, Tesla était allé beaucoup plus loin, grâce à un système révolutionnaire de batteries qui assurait une autonomie de plus de mille cinq cents kilomètres, route et air combiné.
Testé depuis 2040 en Europe, ce système avait maintenant fait ses preuves et avait obtenu toutes les autorisations nécessaires. Il faut dire que la création des Etats Fédérés d’Europe après la crise du Covid-25 avait bien facilité les choses pour l’entreprise américaine. Quoi qu’il en soit, Oscar faisait partie de cette catégorie de grands sportifs à qui tout semble réussir et qui n’avait pas honte d’afficher leur réussite. La Tesla « FlyDrive » semblait faite pour lui.
Puissante et confortable sur la route cette AVA, comme on dit maintenant (Auto Vraiment Autonome), était aussi très efficace dans les airs. Son système de rotors entièrement pilotés par GPS lui permettait d’atteindre la vitesse de quatre cents kilomètres par heure ce qui était très honorable vu son poids.
Le trajet à travers la ville fut long à cause d’une circulation dense et parfois chaotique entre les tramways, les taxis de plus en plus nombreux, les EID (Engins Individuels de Déplacement, comme les skates électriques, les trottinettes et autres vélos auxquels s’ajoutaient des voiturettes monoplaces recouvertes de publicités) et bien sûr les véhicules électriques de livraison, encore utilisés où les drones ne sont pas rentables. La FlyDrive était très à l’aise sur les pavés mouillés de Bruxelles, ce qui est appréciable puisqu’il y a des pavés dans toute la ville… Les vibrations étaient totalement absorbées et Oscar pouvait consulter confortablement sur sa tablette les résultats sportifs du week-end et particulièrement un article qui évoquait son éventuelle participation aux J.O. de 2044. Depuis 2032, il y avait systématiquement participé et rapporté six médailles dont deux en or. Lui-même n’avait pas encore décidé de son engagement et comptait bien sur ce séjour au calme pour y réfléchir. Le pilotage automatique fonctionnait à merveille, évitant au mieux les rues encombrées, anticipant les changements de feux, ralentissant à l’approche d’un piéton.
Arrivée sur la zone de recharge / hub multimodal, la FlyDrive se gara au centimètre près sur l’espace encore libre marquée au sol. Le système de rotors vint se connecter sur le toit pendant que le châssis sur lequel les roues étaient fixées se déconnectaient de l’habitacle.
– Êtes-vous prêt Oscar ? demanda la voix synthétique. Nous allons décoller dans un instant pour un vol de deux heures et quarante minutes. La température à Marseille est de vingt-sept degrés et l’humidité très supportable.
– Oui. Ok on peut y aller.
Il y avait quelques badauds encore peu habitués à voir voler des voitures mais surtout, ceux qui étaient là, avaient été avertis de la présence d’Oscar et espéraient simplement avoir la chance de l’apercevoir. Les sportifs étaient devenus de véritables stars, plus populaires que les chanteurs ou les musiciens, remplacés depuis longtemps par des algorithmes qui fabriquaient de la musique sur mesure adaptée au goût de chacun.
Le confort de la FlyDrive était exceptionnel. En supprimant le poste de conduite, la place gagnée permettait de configurer l’intérieur de mille façons ; en salon pour voyager à quatre autour d’une petite table centrale, en reculant les sièges avant pour voyager à deux avec un grand espace pour les jambes (c’était la préférée d’Oscar), avec une sorte de hamac à l’arrière pour transporter les jeunes enfants ou en reproduisant l’installation qui avait été celle de toutes les voitures avant celle-ci, pour rouler en ville en gardant un œil sur la route. En vol, il y avait quelques règles de sécurité à respecter, comme de garder sa ceinture de sécurité attachée, mais Oscar étant seul à bord, il était très confortablement installé.
La température et l’humidité était contrôlées et l’air recyclé toutes les cinq minutes. L’insonorisation avait été particulièrement soignée pour isoler au maximum les passagers des nuisances extérieures. Une nouvelle technologie de hauts parleurs sans membrane élaborée par Dyson diffusait la musique de façon parfaite dans l’habitacle. Oscar avait une passion pour le jazz du vingtième siècle et découvrait à cette époque les œuvres de Jacques Loussier.
Ce qui avait décidé Oscar à utiliser cette voiture était le fait que son degré d’autonomie autorisait de l’utiliser sans même avoir besoin de passer son permis de conduire. Il était de cette génération qui avait grandi dans les moyens de transport, de la voiture de ses parents aux avions qu’il prenait pour les compétions auxquelles il participait dans le monde entier, il était en permanence en mouvement. Cette FlyDrive incarnait elle aussi le mouvement. Elle n’était jamais en repos.
Le vol se passa sans encombre, jusqu’au survol d’Avignon. Le centre de pilotage qui gérait le vol à distance informa Oscar que la plateforme d’Aix en Provence où il devait se poser était saturée et qu’il serait redirigé vers Montpellier ou Toulon, selon son choix.
Il choisit Toulon qui était plus proche de sa destination finale. Pour préserver l’autonomie, la vitesse s’ajusta et fut réduite à deux cent cinquante kilomètres par heure. Oscar regardait sur ses lunettes 3D un vieux film qui parlait de galaxies lointaines où un fils affrontait son père tout en étant amoureux de sa sœur. Bref un truc bizarre qui avait eu du succès il y avait quelques années. Quand il arriva à Toulon, on tenta d’expliquer à Oscar que, par la faute d’une erreur de transmission d’information depuis le centre de pilotage, jusqu’au hub multimodal, la base roulante n’était pas chargée et qu’il faudrait attendre deux heures sur place. Mais il y avait du café, et puis ce n’était pas si grave, il pouvait bien attendre et de toute façon il n’y avait pas de solution.
Oscar ne l’entendit pas de cette oreille. En sportif habitué à l’adversité, il décida de ne pas subir la situation et partit faire du stop sur la bretelle d’autoroute. Il négocia avec le centre de pilotage que sa voiture viendrait seule le rejoindre le lendemain. A l’aide d’une application de covoiturage, il fût accueilli par une famille de touristes espagnols qui visitait la Provence. Les enfants se battaient pour être à côté d’Oscar qu’ils avaient reconnu immédiatement. Ils voyageaient dans une sorte de minibus électrique autonome qui freina brusquement à l’approche du péage. Une manifestation de viticulteurs, exaspérés par les dernières mesures européennes qui laissaient entrer des milliers de litres de vins sud-américains et californiens en vertu d’un accord scélérat passé en douce en 2020, bloquait le passage. Le véhicule autonome calculait son trajet en fonction de nombreux paramètres dont la réserve de batterie et refusait donc de faire un détour. Il restait au milieu de sa voie en attendant que le passage soit libre. Oscar était fatigué par les questions incessantes des jeunes Espagnols posées par le truchement d’une application de traduction. Il était surtout très en colère de ne pas arriver à l’heure prévue chez ses grands-parents. Il voulut descendre du véhicule pour rejoindre à pied une route nationale où circuleraient encore certainement quelques vieux diesels et engins hybrides qui pourraient le conduire à bon port. Quand il saisit la poignée pour sortir du véhicule, une voix retentie en Espagnol dans les hauts parleurs. Les enfants traduisirent l’information à Oscar à l’aide de leur application:
« Pour votre confort et votre sécurité, vous n’êtes pas autorisé à quitter le véhicule hors d’une zone prévue à cet effet. Veuillez essayer plus tard. Restez à votre place. »
Oscar jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus !








