

TRANSMISSIONS
Recueil de nouvelles
Lu par Hector MANUEL
Hector MANUEL
Hector Manuel naît à Oullins.
Il étudie au Conservatoire régional de Strasbourg et entre à l’École du TNB en 2012 (promotion 8).
Avec BAJOUR, il est scénographe et acteur dans Un homme qui fume c’est plus sain, joue dans À l’Ouest et sera dans l’Éclipse, et a mis en scène L’Île.
Il a joué dans Songes et Métamorphoses de Guillaume Vincent et dans Le Ciel, La Nuit et la Pierre Glorieuse de La Piccola Familia au festival d’Avignon 2016. Il joue également dans Tout le monde ne peut pas être orphelin de Jean-Christophe Meurisse et Que ma joie demeure de Jean Giono mis en scène par Clara Hédouin.
Au cinéma, il apparaît dans Oranges sanguines et dans Les Pistolets en plastiques réalisés par Jean-Christophe Meurisse.
Lire la nouvelle : Double sens
Lorsque nous vivions à Bordeaux, au Square Saint Estèphe, nous allions fréquemment à Bayonne chez mon oncle et ma tante qui habitaient avenue des Arènes dans une grande maison en pierres,. Mon père, passionné de mécanique, préparait sa voiture pour ce trajet de deux heures comme si nous devions traverser la France. Il prenait toujours soin de faire le plein la veille, près de son bureau, dans une petite station familiale où on trouvait, disait-il, le meilleur carburant de la ville. Il vérifiait les niveaux, il lavait soigneusement le pare-brise et les phares, et, seulement ensuite, nous invitait à monter à bord. Il était convaincu de la supériorité des véhicules français sur tous les autres et roulait uniquement en Citroën. La GSA X3, qui venait de sortir, était sa troisième Citroën après une DS, et une GS Club.
Il ne jurait que par le système de suspension hydropneumatique et ne comprenait pas pourquoi on construisait toujours en 1982 des voitures équipées d’amortisseurs Macpherson ou pire encore avec des lames de
ressorts.
Notre GSA X3 était bleue. Je me souviens de son épaisse moquette, bleue elle aussi, qui nous donnait la sensation de voyager dans une luxueuse berline. Je partageais avec mon petit frère et ma sœur l’espace généreux de la banquette arrière. Nous étions à la fois pressés de retrouver nos cousins et très heureux de chanter deux heures, avec notre mère, les tubes de l’époque qu’elle connaissait par cœur. Ça allait de Dorothée à Claude François sans oublier « Rock Amadour » de Gérard Blanchard dont nous ne saisissions pas toutes les paroles et que nous chantions à tue-tête, en chewing-gum. Ça avait le don d’énerver mon père. Lui, ne jurait que par Brassens, au point de porter une moustache bien fournie et fumer la pipe en permanence ; sauf en voiture, pour ne pas graisser le parebrise.
Un jour que nous arrivions à Bayonne, au début des vacances d’automne, mon père raconta à son beau-frère le plaisir qu’il avait pris au volant de sa Citroën dont le confort et la modernité étaient déjà, selon lui, légendaire. Il ajouta que mettre deux heures et dix minutes pour un tel trajet était enfin devenu possible grâce à la vélocité de la GSA X3. Mon oncle l’écouta poliment et s’empressa de nous montrer les aménagements qu’il avait fait dans le jardin depuis notre dernière visite : un petit bassin avec des poissons
rouges énormes, qui avait remplacé un massif de rosiers infesté de
pucerons, une cabane dans le platane du fond, auquel on accédait
par une échelle de cordes, et un petit appentis où ma tante mettrait
quelques pots à l’abris aux premiers assauts de l’hiver.
La voiture de mon oncle garée le long de la maison semblait avoir toujours été là. Sa couleur jaune pâle et ses chromes un peu ternis lui donnait l’allure d’un énorme tacot. J’étais vraiment impressionné, et pour tout dire un peu effrayé. Nos parents eurent l’idée de proposer aux filles d’aller ensemble à Bordeaux passer les vacances et aux garçons de rester à Bayonne. Le soir-même la Citroën transportait mes parents, ma sœur et ma cousine vers Bordeaux alors que mon frère et moi restions une semaine au Pays-Basque avec notre cousin. Nous passâmes quelques jours merveilleux, presque tout le temps perchés dans la cabane du platane.
La voiture de mon oncle n’avait pas bougé d’un pouce durant tout le séjour et elle m’impressionnait tellement que j’hésitais à m’en approcher. Le dernier soir, avant de partir pour Bordeaux, je pris mon courage à deux mains pour me glisser derrière elle afin voir de quelle marque elle pouvait bien être. Ce
n’était ni une Citroën, ni une Peugeot, ni une Simca, ni une Renault,
ni une Talbot. Elle portait un nom Espagnol : Mercedes ! L’Espagne
n’était qu’à quelques kilomètres et j’imaginais mon oncle franchissant les Pyrénées à pied pour aller acheter sa grosse voiture de l’autre côté de la frontière. J’eu dès le lendemain matin l’occasion de monter à son bord pour la première fois. Je réalisai qu’une voiture de marque aussi étrange pouvait quand même être très confortable. Je me demandais comment j’allais pouvoir en parler à mon père sans le mettre en colère. Je n’eus pas le temps de dire quoi que ce soit. A peine étions nous arrivés à Bordeaux que mon petit frère s’était précipité vers notre père en criant « Elle est super la Mercedes de Tonton ! » « Qu’est-ce que tu racontes ? » répondit mon père qui se tourna vers mon oncle pour lui demander : « Et combien de temps elle met, la Mercedes, pour faire Bayonne Bordeaux ? » « Une heure et quarante-cinq minutes. Environ » répondit tranquillement mon oncle. Mon père blêmit et proposa de passer au salon pour prendre l’apéritif.
Allait-on en rester là ? Quelques semaines après cet affront fait par son insolent beau-frère, mon père nous annonça qu’il allait tenter de battre ce record improbable en nous conduisant à Bayonne en moins d’une heure et quarante-cinq minutes. Il décida de faire chauffer le moteur dix minutes avant le départ pour s’assurer dès les premiers kilomètres d’une performance optimale de son bolide. Il avait décidé de partir tôt le matin afin d’éviter la circulation à la sortie de Bordeaux. Elle n’était pas très importante un dimanche matin, mais le défi justifiait de prendre toutes les précautions. Tout juste arrivé sur la nouvelle autoroute A 63, mon père écrasa l’accélérateur
jusqu’à ce que le compteur affiche « 130 ». Il faut dire que ce
compteur était incroyable. Le nombre indiquant la vitesse apparaissait comme par magie dans un halo orange derrière une loupe traversée par une ligne verticale noire.
Mon père était très concentré pour conserver cette vitesse et il était bien aidé par le silence qui régnait dans l’habitacle ; Ma mère, terrorisée, n’arrivait pas à chanter, ma petite sœur s’était endormie avant de sortir de Bordeaux, seuls mon frère et moi étions fascinés par l’exploit que mon père était en train d’accomplir, avec la complicité de sa magnifique automobile bleue, et de ses fils.
Je regardais le compteur à gauche du volant monobranche et mon frère avait les yeux fixés sur la pendule, à droite, inquiet de voir les minutes s’écouler par dizaines avec une lenteur surprenante.
« Deux heures et trois minutes » Le verdict était tombé alors que nous franchissions le portail, avenue des Arènes de Bayonne. Fallait-il informer mon oncle de cet échec, alors qu’aucune compétition n’était engagée officiellement entre le valeureux « citroëniste » et le renégat qui roulait dans une voiture espagnole, massive, mais manifestement très rapide ? Il fut convenu entre nous de ne rien dire et d’attendre le prochain trajet pour se mesurer encore plus sérieusement au record. Le soir même, à peine étions nous repartis que mon père déclara que la lumière venait de se faire dans son cerveau et qu’on allait bien voir ce qu’on allait voir. Nous avions mis deux heures et trois minutes pour faire la route de Bordeaux à Bayonne, mais mon oncle et sa fameuse Mercedes eux, avait mis une heure et quarante-cinq minutes pour aller de Bayonne à Bordeaux. C’est peut-être presque pareil, mais c’est différent : au retour, les montées se transforment en descentes et vice-versa. Et c’est ce que nous allions démontrer malgré la tombée de la nuit, aidés par l’éclairage merveilleux de la GSA X3 ! Deux heures et deux minutes plus tard nous arrivions Square Saint Estèphe. Une minute de gagnée, c’était bien, mais pas assez !
Mon père décréta que nous allions devoir mettre au point un plan d’action. Ma mère dit que c’était une folie et qu’il fallait immédiatement laisser tomber avant qu’un accident arrive. Ma petite sœur s’était endormie et mon frère et moi commencions à douter des capacités de la Citroën GSA X3 à battre le bolide espagnol. Bref le moral des troupes n’était pas au plus haut. Mon père dit fièrement que c’était une question d’honneur et qu’on ne pouvait pas se laisser humilier par mon oncle au volant de sa grosse allemande. Il en allait de l’honneur des GSA, de Citroën, de la France !
Sur le coup je ne compris pas ce que je venais d’entendre. « Sa grosse allemande » ? Je demandais donc à mon père pourquoi il avait dit que la Mercedes de Tonton était une grosse allemande. Il me répondit que de toute façon une bonne voiture était une voiture française de marque Citroën et que les autres, espagnoles, allemandes, italiennes ou américaines n’étaient que des tas de ferrailles sans intérêt. Je n’étais guère avancé et c’est dans les pages « noms propres » du Petit Larousse que j’eu la confirmation que les Mercedes étaient bien allemandes et que la marque existait même depuis 1902 ! Il était peut-être temps de me renseigner par moi-même sur l’Histoire des automobiles et pas seulement sur celle de la marque aux chevrons si chère à mon père.
Le week-end suivant, nous étions à nouveau invités à Bayonne. Comme on fêtait la communion de ma cousine, nous allions être nombreux à table. Excellente occasion de faire briller publiquement la supériorité technologique de Citroën. Mon père la prépara comme jamais. Il démonta les bougies pour les nettoyer et limer les électrodes, il surgonfla les pneus pour diminuer les frottements. Il se fit même prêter un chronomètre pour mesurer son futur record à la seconde près.
C’est peu dire que le trajet parut durer une éternité. Il régnât dans la voiture une tension inhabituelle. Ma mère ne lâcha pas une seconde la poignée de sa portière tandis que sa main gauche se cramponnait à la ceinture de sécurité. Fidèle à son poste, mon frère encourageait mon père en comptant les minutes, tandis que je ne quittais pas le compteur kilométrique orange de l’œil. Il me sembla même voir apparaître le nombre « 160 » dans une descente, mais je me gardais bien de réagir de peur d’effrayer encore plus ma mère. Ma petite sœur, quant à elle, dormait, tranquillement, appuyée sur mon épaule.
Ce fût encore un échec. Une heure et cinquante-six minutes. On avait gagné cinq minutes. Seulement. Il en restait six pour battre le record. Mon père était hors de lui. Il fallut toute la délicatesse de ma mère pour le convaincre de ne pas faire de scandale, ou tout au moins pas tout de suite…
C’est durant le repas que ça a éclaté. La conversation tournait autour du BAB et des avantages que présentait cette nouvelle voie. Mon père était convaincu que « BAB » signifiait « de Bayonne à Bordeaux » et mon oncle disait que ces trois lettres étaient en réalité les abréviations de Bayonne, Anglet et Biarritz ! On se tourna vers le père de ma tante qui avait été directeur, sur la fin de son exploitation en 1965, de la ligne de tramway BAB sur le tracé de laquelle la route avait été construite. Il confirma bien que le « A » signifiait Anglet et ajouta en souriant que le tram n’était jamais allé jusqu’à Bordeaux. Mon père s’engouffra dans la brèche qui venait de s’ouvrir pour demander combien de temps aurait mis le tramway pour aller jusqu’à Bordeaux. Mon oncle répondit ; « En tramway je ne sais pas mais avec ma grosse auto de 1971, lourde et vieille, on ne met qu’une heure et quarante-cinq minute pour aller de Bayonne à Bordeaux. Môssieur ! » « Moi, je mets une heure cinquante-six avec ma GSA X3 toute neuve pour aller de chez moi
à chez toi et avec ta vieille teutonne tu mets onze minutes de moins. Tu es un menteur. Parfaitement, je te le dis en face, tu es un menteur ! » Un silence de mort régnait sur l’assemblée. Mon oncle le rompit par un grand éclat de rire. En écho, les femmes lui répondirent en poussant de petits cris à peine étouffés, mais les hommes semblaient très inquiets de la réaction de mon père, quant à nous, les enfants, nous savions qu’il pouvait se mettre vraiment en colère quand son « honneur » était en jeu. Nous étions donc en apnée, prêts à voir des éclairs se former entre les beaux-frères. Mon oncle reprit : « C’est toi qui veux faire la course, toi le passionné d’automobiles, d’automobiles françaises surtout, mais pour ça il faudrait d’abord fixer les règles. Moi, je quitte Bayonne en arrivant sur l’autoroute et j’entre à Bordeaux en quittant cette même autoroute. En roulant tranquillement il me faut une heure et quarante-cinq minutes. Evidement si tu rajoutes les dix kilomètres de ville ça prend plus de temps. Mais moi je n’aime pas compter ce temps qui dépend de l’heure, de la circulation. C’est sur l’autoroute que commence le voyage ! Et puis avec ma vieille allemande comme tu dis, il ne faut pas être pressé. » « Je savais que tu étais un tricheur. Tu te moques de moi. C’est pas
joli, joli. Tu devrais avoir honte.» Il sortit dans le jardin pour se calmer en fumant sa pipe. Quand il rentra, enfin apaisé, mon oncle lui demanda si il accepterait de lui faire essayer sa GSA X3, tellement extraordinaire. Mon père lui dit alors « Une voiture c’est comme une pipe, ça ne se prête pas ! »
Il fut convenu ce jour-là de ne plus jamais parler de voiture en famille !
Lu par Pauline ETIENNE
Pauline ETIENNE
Pauline Etienne, aussi appelée P.E. dans les endroits les plus craignos de la commune de Neuilly est originaire d’un petit pays : La Belgique.
Après avoir reçu le prix du sourire en grande section, elle décide à l’âge de 4 ans de commencer une carrière de doublure dentaire pour une grande marque de dentifrice. Malheureusement à l’âge de 7 ans, elle perd sa première dent, et son rêve s’effondre.
Après de longues années d’errances entre le cirque, la musique et les concours de cuisine, Pauline ne sait plus quoi faire de sa vie…
Et c’est au moment ou elle allait tout abandonner qu’une main gantée de blanc s’est tendue vers elle. Le cinématographe.
Elle fait ses premier pas dans le film « Eleve Libre » de Joachim Lafosse, mais la révélation vient avec l’entrée dans son répertoire téléphonique du 06 de Michel Piccoli, pour le film « Le Bel âge » de Laurent Perreau.
Elle ajoutera bientôt le 06 de Isabelle Huppert, Mia Hanssen-love, Guillaume Nicloux, Eric Rochant, Nobuhiro Suwa,…
Après 10 ans de carrière, et quelques prix d’interprétation en poche, (oui Pauline ne peut pas s’empêcher de mentionner ce genre de choses, elle est comédienne avant et après tout), elle fait enfin une rencontre qui elle le sait changera sa vie de comédienne à jamais…
Pour suivre Pauline sur Instagram : https://www.instagram.com/pauline_etienne/
Lire la nouvelle : Permis ou pas ?
Garance et Edouard vivent à Paris, à deux pas de la rue de Rivoli. Métro, bus, vélos partagés et surtout marche à pied, font d’eux de grands globetrotters… urbains. On fait de l’exercice. On partage. On prend le temps. Bref, on est adulte et responsable. Transporter un meuble ? C’est tellement fun en métro. Un pack d’Evian ? Les vélos ont une petite corbeille très pratique. On va au parc ? Autant y aller en courant. Nulle auto dans l’univers de ce jeune couple.
Pour Edouard, c’est simple. Une voiture ça coûte cher et on peut très bien s’en passer. Donc pas besoin de voiture, pas besoin de permis. Le budget est totalement converti en livres, concerts et théâtre. Et ça en fait des heures de lecture, de sorties et de découvertes artistiques.
Garance a un rapport à la voiture quelque peu différent de celui de son compagnon. Ses parents sont morts ensemble dans un accident alors qu’elle était enfant et depuis, malgré plusieurs tentatives, elle a toujours échoué à l’examen du permis de conduire. Freinages brutaux et trajectoires approximatives ont convaincu les examinateurs de lui proposer de prendre d’autres séries de leçons. Le dernier, honnête, avait même suggéré de renoncer !
Voilà donc notre jeune couple sans permis et partant…sans voiture. Le métier d’Edouard allait cependant contrarier leur rapport à l’automobile. Il est plasticien. Quand il commença à être exposé dans les galeries de la capitale, il jongla entre les taxis, les UberVan et même le métro. Vivre à Paris présente donc quelques avantages. Mais voilà, le succès grandissant d’Edouard le conduisit à exposer en province dans des villes dont le goût pour l’art n’est pas forcément lié à la desserte ferroviaire.
Il gagnait maintenant assez bien sa vie pour envisager l’achat d’une voiture. Il essaya donc de convaincre Garance de tenter à nouveau de passer son permis pour pouvoir l’accompagner. Pourrait-elle affronter ses peurs ? Avait-elle vraiment envie de se priver des petits moments de célibat que lui offriraient les déplacements d’Edouard ? Quoi qu’il en soit, elle se rangea assez vite à l’avis du dernier examinateur. Elle renonça. Définitivement.
Edouard était désemparé. Jusque-là, sa vie avait été une longue suite de succès fondés sur une éducation solide et de fortes convictions ; comme celle de ne pas aimer les voitures. Jamais il n’avait été confronté à l’échec. Sa vie était réglée comme du papier à musique. Mais pour la première fois, on lui résistait ! Garance lui résistait. Certes, il pouvait comprendre, mais ça l’agaçait. Comment faire ? Renoncer à une carrière prometteuse pour des détails matériels était impensable. Il s’inscrivit donc à des leçons de code sur Internet. L’accès aux cours 24 h/24 et 7 j/7 lui semblait plus facile à accepter. La logique des questions était totalement étrangère à ses raisonnements d’artiste, mais tant bien que mal, il arriva à obtenir le précieux sésame. Il fallait maintenant passer l’épreuve de la conduite. Il se dit qu’à Paris cela allait être très long et incertain. Il opta pour un stage de quinze jours en province. Sa motivation et le soleil ajoutés à une ambiance studieuse lui permirent d’obtenir le permis.
Rentré à Paris, il trouva facilement un SUV d’occasion assez spacieux pour transporter ses œuvres. Tout à sa joie d’avoir résolu son problème, il fit faire un tour du quartier à Garance.
C’est une fois chez eux, bien installé dans le canapé qu’elle lui dit : « Cette voiture est parfaite. Tu l’as très bien choisie. Il y a même assez de place pour transporter une poussette.»
Lu par Charlie DUPONT
Charlie DUPONT
Charlie Dupont est un acteur belge né à Tournai dont on ne résume pas la carrière en quelques lignes. On l’a vu à la télévision dans Hard, ou plus récemment dans La faute à Rousseau. Au cinéma dans Il était une fois, une fois de Christian Merret Palmair dans lequel il est un « Serge » à l’accent bruxellois à couper au couteau, dans des rôles plus graves comme dans Un Petit Boulot de Pascal Chaumeil (nomination du meilleur second rôle au Magritte du cinéma) et pour ses rôles plus récents dans Brillantissime de Michèle Laroque, Convoi exceptionnel de Bertrand Blier, Tokyo Shaking d’Olivier Peyon et le génial Coupez ! de Michel Hazanavicius. Au théâtre il a joué récemment dans : Maris et Femmes de Woody Allen, Hard, Les Émotifs anonymes et Le Canard à l’orange et aux côtés de son épouse Tania Garbarski dans Tuyauterie ou En attendant Bojangles.
Il est aussi passionné d’automobiles.
Plus d’informations sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Charlie_Dupont
https://tpa.fr/acteurs-theatre/dupont-charlie-10517.html
Lire la nouvelle : Le collectionneur
Bernard est en panne au bord de la route, ou plutôt c’est sa voiture qui est en panne. Un bruit suspect suivi de hoquètements répétés ont eu raison de sa confiance. Car Bernard était vraiment confiant en quittant son garage deux heures plus tôt. Tout avait été inspecté avec soin sur ce moteur qui ce matin encore semblait tourner comme une horloge suisse. Le grand jour était enfin arrivé. Cette nouvelle auto sur laquelle il travaillait depuis plus de deux ans allait enfin prendre la route.
Il l’avait désirée depuis tant d’années ; depuis ce salon de l’auto de Paris où son père l’avait invité en 1971 pour ses dix ans. Elle trônait sur le stand Volvo dans sa belle robe rouge avec ce grand panneau lumineux en lettres de feu sur lequel était inscrit « 10 YEARS ». Elle avait exactement son âge. En dix ans, la Volvo P 1800 en avait fait tourner des têtes avec ses baguettes latérales chromées, ses feux arrière profilés et sa calandre grillagée qui semblait faire la moue. Ce coupé sportif avait marqué l’histoire de la firme suédoise, et en produisant cette auto, Volvo avait franchi un pas considérable vers la modernité, grâce en partie au style extraordinaire du fameux designer Italien, Pietro Frua. Elle avait surtout fait rêver les téléspectateurs du monde entier quand Roger Moore interprétait « The Saint » à son volant.
Mais, depuis ce jour de 1971, la seule chose qui trottait dans la tête de Bernard était le désir de la posséder. Il avait gardé de cette rencontre une multitude d’émotions enfantines qui ne demandaient qu’à faire surface. Dans l’armoire de sa chambre d’enfant, il avait conservé une boîte en bois dans laquelle était rassemblée une documentation en suédois, quelques autocollants et surtout le négatif d’une photo prise par son père où on le voyait assis au volant de ce modèle anniversaire. Les hôtesses du stand Volvo avaient été touchées de voir un si jeune garçon fasciné par cette automobile déjà un peu démodée et pourtant si élégante. Pierre, le père de Bernard, avait utilisé son Rolleiflex pour immortaliser la scène. Depuis, la photo, maintes fois agrandie et reproduite occupait une place particulière dans la photothèque de Bernard. On ne pouvait pas la voir sur les murs de son garage, au milieu des posters et autres affiches publicitaires. Elle n’était pas classée dans l’un de ses nombreux albums. Non, elle était jalousement rangée au fond de son portefeuille, derrière sa carte d’identité.
A la fin des années 80, son père lui avait léguée sa superbe DS quand il eut cessé de la conduire. Quelle merveille ! Elle était « bleu Camargue » avec un toit blanc très élégant. La perfection de ses courbes, son confort légendaire, sa modernité insolente comblaient Bernard qui n’avait jamais osé la conduire avant qu’elle ne soit sienne. Combien d’heures a-t-il passé depuis, penché sur le moteur à trouver le réglage parfait, à ajuster au mieux les garnitures de porte et de pavillon, à régler les phares pour optimiser l’éclairage ingénieux de sa DS ? C’est ainsi que son goût pour les véhicules anciens avait commencé et qu’il eut l’idée de constituer une collection.
Une Mini Copper verte, rachetée à une voisine rejoint rapidement la DS bleue. Cette petite voiture qui semblait avoir été conçue pour se déplacer uniquement en ville était en fait une boule d’énergie prête à bondir ; elle avalait les courbes, sautillait sur les bosses. Il l’avait acheté pour Hélène, sa femme, mais la conduisait bien plus souvent qu’elle. Il ressentait à son volant le plaisir de dominer une mécanique rugissante, un châssis très réactif, une sorte de force animale. Une Anglaise entrait ainsi dans sa collection qui, avec cette seconde voiture, venait de se constituer. Dès que Bernard eut les moyens de faire construire un garage, il se mit en tête de créer une collection européenne.
C’est une Allemande qui élut domicile ensuite dans le garage de Bernard en 2000 ; onze ans après la chute du mur de Berlin, les Trabant produites en RDA étaient encore très recherchées, mais Bernard jeta son dévolu sur une NSU TT orange qui avait participé au Rallye de Monte Carlo en 1971. Elle appartenait à un collectionneur autrichien spécialisé en véhicule d’Europe de l’Est. Peu d’amateurs savaient alors que ce modèle avait inspiré les concepteurs de la fameuse Audi TT de 1998 et son prix était encore tout à fait raisonnable. Au-delà de l’anecdote, elle avait séduit Bernard par sa ligne symétrique, l’avant et l’arrière étant semblables, et sa baguette chromée qui lui donnait un air de bateau prêt à partir au large, vers un autre constructeur, vers un autre pays.
Pour l’Espagnole, les sentiments allaient l’emporter. Bernard avait un oncle originaire de Madrid, austère et fier. Il lui conseilla de chercher une Seat 1430 Sport. Affectueusement appelée « Bocanegra » par les Espagnols, cette voiture n’était pas jolie, pas fiable, peu spacieuse et très peu performante mais elle incarnait la renaissance économique de tout un pays en étant la première Seat entièrement conçue et construite en Espagne. Tout un symbole ! Il en existait encore quelques exemplaires conservés au sec par de vénérables abuelos qui n’avaient pas trop roulé et n’avaient donc pas trop défoncé les sièges. Il en trouva une préservée sous une bâche dans une grange des Bardenas. Elle embaumait le foin et le purin, mais était en parfait état. Il la bichonna de long mois pour lui donner un lustre qu’elle n’avait peut-être jamais eu, jusqu’à ce qu’elle soit digne de briller aux côtés de ses autres véhicules.
Au moment de choisir une auto italienne, il prit conscience qu’à la passion qui l’animait, il devait répondre avec force. Son goût pour les voitures originales et peu connues lui fit découvrir la Fiat 600 Multipla qui avec ses portes inversées, son look symétrique et ses six places avait l’allure d’un « mini » Combi Volkswagen. Elles étaient rares et donc chères. Une blanche de 1962 avec un toit noir lui échappa lors d’une vente à Milan. Une verte fut retirée des enchères à Bordeaux après que le commissaire-priseur eut détecté une carte grise douteuse. Il commençait à s’impatienter. Bernard la désirait vraiment et il acceptait mal qu’elle lui échappe. Il la trouva enfin en Belgique, chez une veuve, qui après avoir enterré Luigi, son époux italien, mettait en vente tout ce qui lui rappelait le défunt collectionneur. Elle était magnifique. Sa robe d’un jaune parfait se mariait avec un toit blanc qui lui donnait un air très actuel. Luigi l’avait bichonnée et avait même conservé un petit stock de pièces détachées d’origine que sa veuve avait bien volontiers cédé à Bernard. La Fiat 600 Multipla pouvait venir s’installer dans son nouveau garage. Elle devint sa compagne quotidienne. Il allait partout avec elle, trop fier d’attirer les regards incrédules de passants subjugués par son originalité.
Son garage commençait à prendre forme et chacune de ses autos avait une place spécifique. Il avait construit l’écrin qui pouvait accueillir celle qui l’avait tant ému enfant. Les cinq premières autos occupaient le pourtour du garage dégageant une place centrale réservée pour la belle Suédoise. Il fit construire une sorte d’estrade, exacte copie du podium du salon de l’auto 71 et se mit en quête de celle qu’il n’avait pas encore osé aborder. Il en trouva deux disponibles au Royaume Uni, mais la conduite inversée le contrariait. Il voulait la même que celle au volant de laquelle il s’était assis plus de cinquante ans auparavant. Il passa des annonces, visita tous les sites spécialisés, se rendit partout en l’Europe pour rencontrer des collectionneurs lors de salons et de concentration de véhicules historiques.
Le désespoir commençait à le gagner quand il reçut un message surprenant ; un Chypriote vivant à Istanbul lui annonçait qu’il souhaitait se séparer de sa Volvo P 1800 rouge, mais il y avait beaucoup de demandes et il ne pouvait la lui réserver que quelques jours. On était mardi, Bernard serait à Istanbul dès le jeudi ! Cette auto avait été achetée neuve en 1970 par l’ambassadeur de Suède à Athènes qui, lorsqu’il avait été nommé à Buenos-Aires, l’avait légué à son chauffeur ; le Chypriote. Une fois à la retraite celui-ci s’était installé à Istanbul pour rejoindre sa fille, mariée à un médecin turc. Là, il avait vite compris que la circulation stambouliote ajoutée à la consommation excessive de cette voiture en ville, allait l’empêcher de l’utiliser comme il aurait aimé le faire. Il décida donc de s’en séparer. La voiture était plutôt en bon état, la transaction fut rapide.
La Volvo fut chargée sur un cargo qui la conduisit jusqu’à Ancône en Italie, puis gagna enfin la France et le garage de Bernard sur un plateau. Avant de l’installer sur son podium Bernard allait passer deux années à lui rendre le prestige de sa jeunesse. Si la carrosserie était parfaitement conservée,
il dut patienter plusieurs mois pour que la sellerie soit remise à neuf. Le cuir des sièges avait considérablement souffert. Son restaurateur habituel avait réussi à trouver une magnifique peau crème qui donna à l’habitacle une note certaine de confort, voire de luxe. Durant tout ce temps il avait pris soin de la mécanique.
Bernard avait passé de longues soirées à faire connaissance avec elle. Freins, direction, soupapes, bougies, réseau électrique, échappement, culasse : elle n’avait plus aucun secret pour lui. Le plus compliqué dans cette laborieuse entreprise avait été de trouver un kit de carburation en bon état. Il avait été nécessaire de se rendre à Stockholm. Il en avait trouvé un, conservé dans sa boîte en carton d’origine. Ce fut la dernière pièce qu’il monta. Tous les indicateurs étaient au vert pour lancer la belle suédoise sur les routes de campagne qu’affectionnait Bernard.
C’est donc très confiant, après avoir rempli le réservoir, gonflé les pneus, nettoyé le parebrise et les rétroviseurs, qu’il sortit sa P 1800 rouge du garage. Le soleil brillait et la route était dégagée. Il baissa la vitre pour mieux entendre le son mélodieux du moteur. Le paysage défilait joyeusement et Bernard, tout à sa joie de se trouver enfin au volant de sa dernière conquête ne vit pas filer les kilomètres, ni passer le temps. Une panne survint qui le ramena à la réalité. Il est désormais cloué en pleine campagne, à deux heures de chez lui. Il ouvre le capot, voit bien que la pompe à essence a un problème ; le filtre est plein de rouille. Elle a dû remonter du fond du réservoir. Mais que faire sans outils, loin de toute habitation, sur cette route de campagne où personne ne passe. Il se résout à demander de l’aide. Il allume son vieux Nokia 3310 et compose le numéro de sa femme, Hélène. Hélène ne répond pas. Hélène ne répondra pas. Il y a longtemps qu’Hélène est partie. Partie avec le voisin. Un collectionneur de vélos.
Lu par Agathe MANUEL
Agathe MANUEL
Après la publication de son recueil de nouvelles « À ce bruit délicat s’ajoute une musique pénétrante », Agathe entre en classe d’hypokhâgne puis de khâgne à Louis-le-Grand. Elle met alors entre parenthèses la pratique théâtrale qu’elle menait dans la classe libre du conservatoire de Marseille. Elle sort ensuite diplômée d’un Master de littérature de l’Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales. En parallèle de sa dernière année de master, elle commence une formation de chant lyrique, qu’elle poursuit actuellement au conservatoire Claude Debussy à Paris.
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Lire la nouvelle : On s’en souvient
Le soleil. Sur un pare-brise sale, le soleil est sans pitié. Chaque trace d’eau mal séchée, chaque moustique éclaté sur le verre, chaque petite fiente d’étourneau explose en une immense tache de lumière. Au sortir d’un sous-bois, c’est fatal : Le contraste est tel, que saisie par la surprise, Véronique porte la main à ses yeux. Retrouvant subitement sa liberté, le volant se met à tourner et laisse les roues reprendre les commandes. Au lieu de virer à gauche, l’Alfa Roméo de Véronique fonce droit dans un champ de tournesols. Ils sont fiers, dressés vers le ciel bleu. Entièrement bleu. Bien sûr, elle freine. De toute ses forces. Mais trop tard. La voiture est déjà propulsée en l’air, après avoir pris son élan sur une bute bordant la route. Véronique hurle, se cramponne et voit défiler autour d’elle des centaines de soleils.
Est-ce la peur ? Est-ce la sensation de voler ? Est-ce l’effet hypnotique de ces taches colorées ? Le pare-brise de l’Alfa se transforme en un écran géant sur lequel Véronique voit défiler sa vie au ralenti. La lumière crue qui lui fait face, ravive en elle le souvenir de la plage de Komi sur l’île de Chios en Grèce. La chaleur était écrasante et l’eau parvenait à peine à la rafraîchir. Elle jouait sur les galets brûlants alors que sa mère apprenait laborieusement à nager à son petit frère, loin d’un père sans cesse parti acheter des bouteilles d’un liquide mystérieux au goût de sève. Quand il rentrait, il ne marchait plus droit mais sa main tremblante offrait toujours des bonbons à sa fille. Ils avaient le même goût de sève. De leurs vies il ne partageait que ce goût, cette âpreté sucrée. C’est ce goût camphré, surgi de son enfance qui envahit son palais au moment où le capot rouge de l’Alfa s’ouvre brutalement et fait voler le pare-brise en une multitude de diamants.
La tête de Véronique fait un violent mouvement vers la gauche. Heurte le montant de la portière. Le choc l’envoie instantanément au chevet de sa mère dont elle a tenu la main trois jours et trois nuits. Jusqu’au bout. Dans la semi-obscurité d’une chambre anonyme, peu chauffée. Elle sent l’odeur âcre de l’urine mal filtrée par les couches. Elle entend les râles qui résonnent dans les couloirs, la nuit venue. Les cris silencieux de sa mère à l’agonie.
Sa tête repart en avant. S’écrase sur le volant. Déclenche le klaxon. Elle se retrouve assise dans sa première voiture. Cheveux au vent. Une Floride décapotable, bleue marine, très élégante avec ses roues équipées de pneus à flancs blancs. Véronique découvrait à son volant, la liberté et il faut bien le dire, une certaine émancipation. C’était le temps de l’amour, le temps des copains, le temps de l’aventure qui dure toujours. « On s’en souvient », chantait Françoise Hardy. On s’en souvient. On s’en souvient.
La roue avant gauche de l’Alfa s’arrache sur une roche dissimulée par les tournesols. Le premier tonneau disperse le contenu du sac à main de Véronique dans l’habitacle; rouge à lèvres, carnets, clefs, mouchoirs volent un instant avant de se retrouver expulsés parmi les fleurs à travers les vitres détruites par le choc. Véronique comprimée par sa ceinture, se sent écrasée, et ne réalise pas que l’Alfa entame un second tour avant de se poser sur le côté droit. Elle se souvient de l’IRM qu’elle a passé l’année dernière. « Il ne faut pas bouger » disait l’opératrice. « Oui, c’est ça. Ne pas bouger. Rester bien calme et attendre. Attendre qu’on vienne me chercher. Qu’on me dise que finalement, c’est une fausse alerte. Que l’image est bonne. Oui, que l’image est bonne. Pas bouger. » Elle parvient à détacher la ceinture qui opprimait sa poitrine et une sensation de liberté la submerge ; elle se voit en robe de mariée au bras de Charles sous une pluie de pétales jaunes lancés par une assemblée joyeuse, face à un photographe souriant. Il dit : « Parfait. Merci à tous. L’image est bonne » Soudain la panique envahit Véronique « Où est Charles ? Pourquoi il n’est pas là ? Je veux voir mon mari. Il va m’aider. Il faut que je sorte ; Je dois ouvrir la porte et sortir. Vite. »
Puis elle prend conscience du silence. Après tout ce vacarme, ces déchirures de tôles, de fleurs et de terre. La surface du champ est arrachée, ouverte sur plus de trente mètres. Vu de dessus on verrait un grand espace tout jaune marqué d’une bande marron se terminant par une petite tache rouge. Dans la petite tache rouge, Véronique entend les derniers craquements de la carrosserie qui lentement se stabilise, puis des chants d’oiseaux, oui, beaucoup d’oiseaux dont les cris peinent à masquer le petit son métallique produit par la chute régulière de gouttes, derrière elle, dans la tôle pliée du coffre. Le réservoir n’a pas résisté aux chocs et se vide lentement, goutte après goutte. Etourdie par les odeurs d’essence, Véronique se voit devant sa machine à café, attendant que la dernière goutte soit allée rejoindre toutes les autres dans la tasse chaude, encore fumante. La journée va commencer : « Nous sommes lundi, donc c’est Charles qui accompagne les enfants à l’école, j’attends la femme de ménage et je pars chez mon éditeur. Je veux lui donner en main propre mon dernier manuscrit. Je vais profiter de ce beau jour de printemps pour y aller par la route. Tranquillement. » Elle revoit cette route vallonée, bucolique, bordée de prés fleuris et d’arbres croulants sous les fruits. Le ciel est parfaitement dégagé, le bleu tendre des premières heures du jour l’apaise. La route est dégagée. L’air est dégagé. Son esprit est dégagé. Elle croise en souriant un groupe de cyclistes vêtus comme s’ils participaient au Tour de France. Elle pense à ce manuscrit qu’elle va remettre à l’éditeur. Il lui a fait confiance et n’a rien voulu lire, ni même savoir de ce nouveau roman. Il va le découvrir comme un « premier lecteur ». Oui, Véronique pense à ce moment délicieux où elle partagera ce travail qui l’accompagne depuis deux ans.
Dans la tache rouge, son téléphone, coincé sous la banquette arrière, se met à vibrer, puis à sonner. Cela provoque de petites étincelles, suffisantes pour provoquer une formidable explosion qui détruit tout autour d’elle. L’Alfa Romeo, le manuscrit, Véronique et quelques tournesols sont propulsés en mille éclats.
A l’autre bout du champ, l’arrosage automatique se met en route sur des tournesols fièrement tournés vers le ciel bleu.








